Miguel Praino (violon alto) - Miguel López (bandonéon) - Juan Cedrón (guitare et chant) - Román Cedrón (contrebasse)
Groupe de musiciens argentins né à Buenos Aires en 1964. Comme son nom ne
l’indique pas, le groupe a d’abord été un trio. À la fin des années 1960, le
groupe devient quatuor. Les quatre musiciens sont alors : Juan Cedrón (guitare
et chant), Miguel Praino (violon), César Stroscio (bandonéon), Jorge Sarraute
(contrebasse).
Il y a eu tout au long de la trajectoire du
Cuarteto Cedrón modification de certains de ses membres. Pendant de longues
années, Carlos Carlsen a remplacé la contrebasse en introduisant le violoncelle
et la basse électrique. Beaucoup plus tard, à la fin des années 1990, le quatuor
devient quintet (sans changer de nom pour autant) par incorporation d’Emilio
Cedrón au violon. Parallèlement aux activités du Cuarteto, le groupe est à
l’origine d’autres formations, parmi lesquelles un nonette et un orchestre de
quatorze musiciens appelé La Típica. Actuellement, les membres du groupe sont :
Juan Cedrón (guitare et chant), Miguel Praino (violon alto), Román Cedrón
(contrebasse), Miguel López (bandonéon).
Le Cuarteto Cedrón joue du tango. Il joue aussi
des milongas, des candombes, des rancheras, des huellas, des estilos. Autant de
styles profondément enracinés dans la culture populaire argentine. On peut ainsi
dire que son œuvre reconnaît des racines et qu’à partir de ces racines le groupe
a fait sa proposition, pionnière par bien des aspects.
Le plus cité : Juan Cedrón qui est chanteur,
guitariste et compositeur, a mis en musique des poèmes non écrits pour être
chantés. La discographie du Cuarteto permet d’identifier au moins trente-sept
auteurs, argentins pour la plupart (Julio Huasi, Francisco Urondo, Juan Gelman,
Carlos de la Púa, Raúl González Tuñón, Julio Cortázar, Alberto Szpunberg, Acho
et Homero Manzi, Luis Alposta, entre autres) ; mais non pas seulement argentins
(Bertolt Brecht, Dylan Thomas, César Vallejo). Cette prédilection pour les
poètes ne peut manquer d’attirer l’attention. Il s’est trouvé des gens pour dire
que le Cuarteto Cedrón était « la voix des poètes ». L’affirmation ne semble pas
excessive. Dans l’histoire de la musique il existe une tradition de
l’auteur-compositeur-interprète. Le plus souvent, ceux-là mettent en musique
leurs propres vers. On trouve aussi des musiciens prestigieux qui, tout en
chantant leurs propres vers, ont chanté occasionnellement ceux des autres. Mais
des musiciens qui aient consacré toute leur vie à la poésie écrite par des tiers
est quelque chose de plus inhabituel. Dans le monde hispano-américain, aux côtés
du Cuarteto Cedrón, on peut citer Paco Ibáñez. Et ce n’est pas un hasard si Paco
Ibáñez a partagé avec le Cuarteto Cedrón de longues heures de musique et
d’amitié. Ainsi donc Juan Cedrón met en musique des poèmes. Cela veut dire qu’il
fait de la chanson. Et cette donnée qui pourrait sembler négligeable ne l’est
pas si l’on situe le Cuarteto dans le contexte historique et culturel où il
surgit. C’est-à-dire dans les années 1960, telles qu’elles ont été vécues à
Buenos Aires. « Tu as été le seul de notre génération à avoir fait de la chanson
» a dit un jour un ami musicien au chanteur du Cuarteto Cedrón.
Pionnière, cette œuvre l’est aussi par d’autres aspects. « La voix des poètes » ne renvoie pas seulement aux compositions et au chant de Juan Cedrón mais aussi au fait que les œuvres discographiques du Cuarteto contiennent des paroles que l’on ne chante pas : des poèmes récités par ses auteurs, intercalés entre les pièces musicales (Madrugada, 1964 ; Cuerpo que me querés, 1966 ; Fábulas, 1969). On trouve aussi dans l’un des disques, des extraits d’un long entretien avec le poète Raúl González Tuñón qui donne à entendre la manière de parler et de voir le monde d’un homme né à Buenos Aires en 1905. En 1966, le Trio Cedrón enregistre un disque appelé La Crencha Engrasada, dans lequel l’acteur Héctor Alterio récite les poèmes en argot (lunfardo) de Carlos de la Púa. Cette incorporation de l’argot est également une nouveauté à l’époque, antérieure aux enregistrements du chanteur Edmundo Rivero qui, peu de temps après, ont introduit l’argot dans le milieu du tango, en lui donnant ses titres de noblesse.
Pionnière, l’œuvre du Cuarteto l’est encore par son approche des genres musicaux. Outre ceux qui ont été signalés, le répertoire du groupe comprend aussi des ballades (« Balada del hombre que se calló la boca », « Balada de los amantes de mi pueblo », « Balada del ex traficante de diamantes ») sur des poésies de Juan Gelman. Ces ballades, le public argentin les a découvertes en 1965. Initialement conçues pour un opéra qui n’a pas vu le jour (Las tripas generales), elles ont été enregistrées au début des années 1970. Puis, il y a les cantates qui ont notamment marqué la rencontre du Cuarteto Cedrón avec son public français (Le Chant du Coq, 1973 ; Chances, 1977), dont les textes évoquent le moment politique que vivait alors l’Argentine.
Le groupe s’installe en France en
1974, départ motivé par la recrudescence des persécutions politiques préalables
au coup d’État du 24 mars 1976. Tout au long de sa carrière, dans son volet
européen, le Cuarteto Cedrón s’est présenté sur des scènes renommées telles que
l’Olympia (en compagnie de Paco Ibáñez), le Théâtre de la Ville, le Bobino, la
prestigieuse Fenice (Venise), le Concertgebouw (Amsterdam), et aussi sur les
scènes populaires de la Fête de l’Humanité et de la Mutualité.
En 1984, le groupe se rend à Buenos Aires après
dix ans d’absence et se présente au Club Atlético Obras Sanitarias. À partir de
ce moment-là, il y aura des allées et venues. En 2004, Juan Cedrón choisit de
rentrer à Buenos Aires.
Se séparant, se retrouvant, le groupe scindé entre Buenos Aires et Paris se maintient par volonté de ses membres. Ils continuent à faire de la musique et de la chanson obstinément attachés à une position : leur option pour la poésie, mais aussi une certaine manière d’être au monde. Ce qui s’exprime non seulement dans les histoires chantées (sortes de fables parfois proprement incroyables), dans le son particulier qui est peut-être l’une des caractéristiques principales de leur œuvre, dans l’esthétique aussi du Cuarteto Cedrón (telle qu’on peut l’apprécier de visu lors des concerts ou dans les pochettes des disques, conçues par les peintres Alberto Cedrón, Roberto Cedrón, entre autres), mais aussi, au jour le jour, dans les options de travail des musiciens. Où naissent les chansons de Juan Cedrón ? Où répètent les musiciens ? Les deux questions ont une seule réponse nullement métaphorique : dans la cuisine.
On peut ajouter que Juan Cedrón a composé la musique d’un certain nombre de films argentins et français (Tute Cabrero, de Juan José Jusid, 1968 ; Y que patatín… y que patatán, de Mario Sábato, 1971 ; Operación Masacre, de Jorge Cedrón, 1972 ; L’affiche rouge, de Frank Cassenti, 1976) ; et que le Cuarteto a promu la création de spectacles musicaux et théâtraux (Fábulas, 1970 ; La bicicleta de la muerte pasa por Mi Lay, 1972 ; Tango. Mémoire de Buenos Aires, 1988, avec Antonio Agri, Juan José Mosalini et Gustavo Beytelmann ; Mémoire des mayas, avec Jaime Torres, Julio Pardo et Ricardo Moyano, 1990). Au début des années 1990, le groupe rejoint le projet de Gérard Gelas, directeur du Théâtre du Chêne Noir à Avignon, et c’est ensemble qu’ils présentent Antigone, le Cuarteto Cedrón interprétant (pour la seule fois en français) les textes du Chœur, sur des milongas argentines créées pour l’occasion par Juan Cedrón.
Depuis longtemps, l’œuvre du Cuarteto a par
ailleurs inspiré d’autres artistes : des danseurs ont ainsi mis les musiques de
Juan Cedrón « en mouvement » alors que d’autres chanteurs ont interprété ses
chansons (Paco Ibáñez, Soledad Bravo, Quilapayún). Le groupe a également
participé à des productions discographiques de Léo Ferré, de Georges Moustaki,
de Xavier Ribalta. Plus récemment, de jeunes musiciens argentins se penchent
assidûment sur cette œuvre longue de plus de quarante ans. Œuvre dont ils
reconnaissent le son argentin bien qu’elle ait été réalisée – en grande partie –
dans un pays pour eux lointain : la France.
Extrait de : http://cuarteto-cedron.blogspot.fr/